Canon Ef 8-15 mm f/4 L USM Fish-Eye
Intro
Après avoir conservé le Tokina AT-X 107 DX AF Fish-Eye 10-17 mm f/3.5-4.5 NH (voir le test ici) pendant des années dans mon sac, j'ai réussi à trouver un nouveau jouet bien plus onéreux. Quand je dis plus onéreux, on est au moins deux fois plus cher. Alors cet investissement se justifie-t-il par la qualité optique ou mécanique ? Est-ce qu'au moins, les photos sont meilleures, plus réussies ? Est-il plus agréable à vivre ? Ces questions resteront la colonne vertébrale de ce test, car un objectif de ce prix là, je n'en ai pas eu beaucoup dans les mains... Et quand je pense au tout petit pourcentage de photos que je réalise au fisheye...
C'est quoi un objectif Fisheye ?
Je ne reprends pas ici mon descriptif précis d'un objectif Fisheye. Pourtant, si ce type d'objectif ne vous est pas familier, je vous invite fortement à relire
l'introduction du test du Tokina où j'ai pris le temps d'exposer les caractéristiques atypiques de cette catégorie d'optiques. Il faut de plus garder à l'esprit que certaines caractéristiques ne
sont pas forcément des défauts, cela peut aussi se révéler être une source nouvelle de créativité.
à lire ici la description d'un objectif Fish-eye
Je reviens quand sur le fait qu'un 15mm fisheye n'a rien avoir avec une focale standard 15mm. L'angle de vue est très largement supérieur. Ces deux photos sont prise du même endroit et parlent d'elles-mêmes.
Mon avis sur les caractéristiques techniques
Le Canon est un gros objectif comparé au Tokina, mais dans l'absolu 8cm de long pour 540g, cela reste très contenu. Les grand-angles de dernière génération comme le 15-30 f/2.8 de Tamron ou le 12-24 Art chez Sigma sont bien plus gros et dépassent le kg !
Comme tout fish-eye, il faudra composer avec une lentille frontale sphérique et proéminente, très sensible aux rayures par conséquent. Toutefois, un paresoleil est proposé avec et permet quand on est dans la plage 14-15mm d'avoir une petite protection. Le bouchon est un peu du même type que le grand angle Tokina 16-28 f/28 (lire le test ici), c'est à dire volumineux et pénible à garder dans sa poche (sale habitude que j'ai).
Côté construction, c'est un objectif de la série L, et chez Canon, c'est toujours un gage de qualité de construction, et effectivement on est dans le bien fini, qui inspire confiance, mais on n'est pas sur un tout métal comme le Tokina.
Vous pouvez retrouver toutes ses caractéristiques chez LensTip :
Canon EF 8-15 mm f/4 L Fisheye USM
La plage de focale : 8-15mm Fisheye. A 8mm sur un full frame, l'image est sphérique comme on dit. Avec un champ de vision de 180°, on
balaye large, mais tout rond.... A partir de 14mm (à partir de 10mm sur un APS-C), les bords de l'objectif disparaissent pour laisser place à une image plein cadre. On peut se demander à quoi
peut bien servir une photo circulaire, c'est l'angle le plus large que l'on a, et c'est très utilisé en pano-photgraphie (cherchez sur le net, il y a des choses incroyables à voir, mais c'est un
autre monde)...
L'ouverture : f/4.0, c'est une ouverture constante. C'est du classique et en très grand angle comme c'est le cas ici, la profondeur de champ n'est pas la priorité, donc pas d'avis sur ce point, c'est un bon compromis et je ne suis pas du tout handicapé ou très conquis par cette valeur.
L'autofocus : Moteur USM signifie rapidité, silence et efficacité. Comme à son habitude, Canon nous livre un très bon autofocus très agréable à vivre au
quotidien.
La distance mini de mise au point : 15cm, c'est peu (mais 1 cm de plus que le Tokina), mais ce n'est pas un objectif avec lequel on va faire de la macro... Et il
faut faire attention, on a vite fait de toucher l'objet de notre photo avec la lentille frontale... Je rappelle si besoin que 15 cm c'est la distance du capteur à l'objet. Si on enlève les 8cm de
longueur de l'objectif plus 3 cm environ de la moitié du boitier environ (il y a un symbole sur le boitier pour donner le plan de focalisation), il nous reste que 2 à 3 cm entre la lentille et
l'objet pris en photo situé à la distance mini ! Donc attention, au prix de la bête, une rayure est vite mal venue !
La stabilisation : pas de stabilisation sur cet objectif, mais sur un grand angle avec de telles focales, de toutes façons, cela ne servirait pas à grand chose. A ma connaissance, aucun fisheye n'est stabilisé à ce jour.
Mon avis sur la qualité optique
Avec un tel tarif, on est quand même en droit d'avoir quelques attentes ! Alors un fisheye n'est pas toujours facile à tester, mais on trouve quand même quelques tests chiffrés. Pour LensTip, à 8 ou 12 mm, au centre, l'objectif dépasse les 50 lpmm ce qui frôle le record des meilleurs focales fixes ! A 15mm, on atteint 47 lpmm dès la pleine ouverture (là ou le Tokina peinait à atteindre les 36) ! Même sur les bords à toutes les focales on dépasse les 40 lpmm ! Pour Photozone, même piqué excellent au centre, ils sont un peu moins enthousiastes sur les bords, mais cela reste très bon. Ces chiffres sont donc très alléchants !
Comme toujours, c'est par l'image que nous allons tenter de rendre (et de confirmer) ces excellents chiffres un peu plus parlants.
Nous allons traiter le cas en deux fois. En premier parlons des courtes focales, 8 et 10mm. Ce ne sont pas les focales que j'utilise, car ces photos sphériques ne me sont pas de grande utilité...
J'ai choisi de ne présenter que des images avec une ouverture de f/5.6, on est à peu de choses près au plein potentiel de l'objectif. Ces images si particulières sont quand même de très bonne qualité. En Crop100, si le centre est bon, le bord est plus limite avec pas mal d'aberrations chromatiques, et bien entendu c'est encore pire à f/4. Toutefois, je note une belle homogénéité d'ensemble et une impression de piqué de haut niveau (en rappelant bien sûr l'extraordinaire angle de vue de pratiquement 180° !
Voyons maintenant ce qu'il en est à 14mm et 15mm, quand l'image recouvre intégralement le capteur 24x36 de nos boitiers Full Frame.
Premier constat, 14mm ou 15mm, cela ne change pas grand chose à l'angle de vue. Mais en fait cela ne change pas grand chose non plus sur le piqué d'image. J'ai donc choisi de regrouper un peu les deux focales, ce qui vaut pour l'une vaut pour l'autre !
En premier, waouh ! Au centre, ça pique dur... Je rejoins Lenstip ici... Pour une fois je propose un crop100 à 3/4 du bord, et là encore on est très haut en piqué. Reste que l'extrême bord (ici dans des conditions pas faciles), qui n'est pas parfait... Mais quand même l'impression générale reste une qualité d'image digne des meilleurs grand-angles standards, et on n'a pas l'habitude d'avoir une telle impression avec les objectifs fish-eye dont l'architecture implique quand même quelques compromis.
Ceci étant dit, quel grossissement et quel bokeh est-il possible d'obtenir avec notre 8-15 ? Pas de photo macro, mais des possibilités très intéressantes en proxi-photo grâce aux déformations qui peuvent être autant des alliées que des défauts... Il en est de même du bokeh...
Pour compléter ce test, une série de portraits. Bien entendu faire un portrait avec un fisheye relève du défi. Mais là encore, ne nous enfermons pas dans le conformisme ! De la créativité, et que diable, ce Canon 8-15 nous en donne les moyens ! Veuillez noter que l'ensemble de ces photos ne sont pas corrigées en terme de déformation, nous reviendrons sur ce point juste après.
Notez aussi qu'à 1m50, nous verrons sans difficulté un adulte de la tête au pieds !
Les images suivantes donnent une petite idée de l'excellent piqué obtenu (crop100).
Le vignetage sur un fisheye est normalement bien maitrisé et cela se confirme sur les images ci-dessous.
Je ne voudrais pas conclure cette partie sans évoquer la correction des déformations induite par le fisheye. Je n'aime d'ailleurs pas le mot de correction. Ce n'est pas un défaut de l'objectif, c'est une partie intégrante de sa personnalité. Et puis, aujourd'hui, l'invasion des caméras sportives dans le monde de la vidéo nous a habitué à ce type de déformations car presque toutes ces petites caméras utilisent un objectif de type fisheye.
Dxolab propose un module optique pour le Canon et celui-ci inclus une correction complète des déformations. Cela signifie que les lignes droites, rendues par des arcs de cercle sur la photo sont redressées en droite. La conséquence est un étirement sur les bords. On passe donc d'un type de déformation à un autre. C'est agréable et pratique d'avoir cela en automatique, mais généralement, je préfère régler en manuel et je choisis mon taux de redressement à chaque vue. Dans la majorité des cas, je ne redresse pas plus que 50%. A 100% de correction, on se retrouve avec des lignes de fuites, qui ne sont pas non plus inintéressantes en terme de créativité, mais l'image manque parfois de sujet principal avec un sentiment de rejet au loin de celui-ci.
Ci-dessous, l'exemple d'une même prise de vue traitée par Dxolab : la première sans redressement, la seconde est redressée automatiquement par le module optique (donc à 100%). La solution que j'utilise est souvent entre ces deux extrêmes...
Concluons donc cette partie. Dès les premières photos tests, j'ai remarqué que les compromis que j'acceptais en général d'un objectif fisheye n'étaient pas une fatalité : piqué excellent et une grande homogénéité.... Bref, c'est un objectif de grande qualité optique qui fait honneur à son rang (et à son prix...).
Ces quelques photos permettent également de se donner une idée du rendu réel. Ces photos ont été post-traitées avec DxoLab, ainsi, les déformations ne sont pas celles d'origine comme pour les photo-tests...
Utilisation sur APS-C
Une fois n'est pas coutume, parlons de cet objectif sur les boitiers APS-C. L'image plein capteur sera atteinte dès 10mm, mais bien entendu, le champ de vision sera réduit (c'est la taille du capteur 1,6 fois plus petite qui induit cela). Par logique, sur APS-C à 10mm, vous obtiendrez environ l'angle de vision obtenu à 15mm sur Full Frame.
Le match contre le Tokina AT-X 107 DX AF Fish-Eye 10-17 mm f/3.5-4.5 NH
Ce match est bien entendu un des point-clés de ce test. En effet, le Canon est d'un très haut niveau, mais le Tokina ne m'a paru mauvais. Il souffre juste des fameux compromis évoqués dans le paragraphe précédent... Mais il ne se négocie pas au même prix non plus...
Alors mettons le tarif de côté pendant quelques instants et comparons les performances optiques :
Bon, à pleine ouverture, le combat est inégal. Le Canon est meilleur partout. Déjà plus piqué au centre, c'est sur les bords que le Tokina est achevé ! L'arbre sur le bord de la photo-test du Tokina est une sorte de bouillie, alors qu'il est bien défini sur le Canon. On en revient à l'homogénéité !
Et si l'on ferme le diaphragme, est-ce toujours aussi flagrant ? A f/5.6, l'écart est encore très important sur le bord, mais à f/11, c'est un peu plus similaire, même si le Tokina reste derrière. Sur l’œil du portrait, donc en zone centrale, on voit que l'écart est moindre, mais toujours à l'avantage de Canon.
La victoire semble donc écrasante ! Mais sur le terrain, est-ce rédhibitoire ? Dans la réalité, mon expérience me dit que ce manque d'homogénéité avec cette énorme faiblesse sur les bords du Tokina va impacter directement des images de paysage, ou de photos où l'on prend le fisheye car on n'a pas assez de recul. A l'inverse, sur de la proxi-photo ou du portrait rapproché, le tokina tient grosso-modo la comparaison. Pour imager cela, voici deux portraits non cropés, franchement, difficile de voir la différence... La question reste que ce n'est pas vraiment pour faire des portraits que l'on achète un Fisheye...
J'ai donc utilisé pas mal d'années le Tokina Fisheye 10-17 et seulement quelques mois le Canon 8-15. Alors qu'en est-il réellement quand ils sont montés sur le boitier ? Il y a des différences et quelques similitudes... Globalement, l'usage est le même, la taille et le poids à l'avantage du Tokina, mais dans le monde du Full Frame, c'est une petite différence vu la taille des boitiers et des objectifs en général. Il y a le range, oui, le range... 8 contre 10mm et 15 contre 17mm... En pratique, ça ne change rien ! Regardez les deux photos ci-dessous, j'ai mis un cadre rouge pour plaquer le cadrage à 17mm sur la photo au 15mm pour bien voir l'impact de ces 2mm de focale en plus... On recadre en post production, les quelques pixels laissés dans l'aventure sont bien peu de choses !
Un autre point de similitude, c'est l'ouverture. Glissante pour le tokina et fixe pour le Canon, on tourne de toutes façons autour de f/4. A noter qu'à 15mm le Tokina sera à f/4.5 contre f/4 au Canon. Il reste l'autofocus.... Là le dinosaure Tokina a du mal à rivaliser avec l’ultrasonique Canon... C'est un vrai plus. Voilà si le Tokina rivalise quand vous souhaitez faire un gros plan du nez de votre modèle, ou quand un ferme sérieusement le diaphragme, mais pour le reste, il est quand même sérieusement en retrait.
On ne peut bien entendu pas éluder la question épineuse de votre budget. 1300 € neuf ! Je n'ai jamais mis un tel prix dans un objectif, et je ne suis pas sûr que je le fasse un jour. En occasion, le Canon n'est pas rare, mais est rarement en prix compatible avec mon utilisation sporadique... Cela devait faire au moins 4 ans que j'en guettais un d'occasion à un prix avouable. Et bien cela a fini par arriver, j'en ai trouvé un à un prix très inférieur au marché (environ 500€ !) et en parfait état en plus. J'avoue que je n'y croyais plus. Mais il finit par baisser un peu sur le marché. Il y a un an, il était difficilement en dessous de 900€, aujourd'hui on en trouve régulièrement en dessous de 700€. Cela reste tout de même plus de deux fois le prix du Tokina ! Donc avec de la patience, on peut finir par en dégoter un dans une gamme de prix cohérente et compatible avec des budgets d'utilisateurs de FF passionnés mais composant avec leur budget.
Il est donc encore une fois délicat de donner une conclusion définitive. Pour débuter, pour s'essayer au fiheye, je crois que le Tokina est et demeure un excellent rapport qualité prix, et c'est un excellent choix. Si le prix n'est pas un problème, passez votre chemin devant le Tokina et prenez le Canon... Alors j'ai hésité... Un peu ; non, pas longtemps ! Je les ai gardés quelques semaines en doublon, mais le prix bas auquel j'ai touché le Canon a fini de me convaincre...
Ceci étant dit, j'ai quand même une longue histoire avec le fisheye. Il m'est impossible de ne pas en avoir un dans mon sac. J'en connais l'utilité, et même si je ne l'utilise pas souvent, je sais qu'il est là en cas de besoin. C'était mon schéma de pensée avec le Tokina. Il était là si j'avais besoin de recul ou envie d'exploiter des déformations sur un sujet précis. Oui mais voilà, dans les autres cas, je sortais toujours le Tamron 17-35 f/2.8-4 OSD Di (test à lire ici), car la qualité optique est bien meilleure, et cela reste un objectif bien plus versatile.
Oui mais voilà, le Canon EF 8-15mm f/4 L USM a changé le paradigme ! Plus de compromis, rien que du plaisir. Je ne choisis plus le fisheye par besoin, mais par plaisir, et le plaisir, ça n'a pas de prix !
Quelques photos prises avec le Canon Ef 8-15 mm f/4 L USM Fish-Eye et post-traitées (donc parfois redressées, parfois non).
pour résumer...
le Canon Ef 8-15 mm f/4 L USM Fish-Eye
Ce que j'ai adoré
- le champ de vision - les possibilités photographiques inédites - le piqué d'image - l'incroyable homogénéité
Ce qui est bien - l'encombrement - l'autofocus
|
Ce que j'ai détesté
- le prix...
Ce qui pourrait être mieux
- le prix...
|
Retrouvez les tests complets des autres sites sur cet objectif :
Le Canon Ef 8-15 mm f/4 L USM Fish-Eye :
Ces tests peuvent aussi vous intéresser
Écrire commentaire